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Ethiopie – La grande braderie des terres

Ethiopie

ethiopia-3L’Ethiopie a une surface deux fois plus grande que celle de la France. Sa population est de quelque 90 millions d’habitants et augmente chaque année de plus de 2 millions (2,6%). Le régime politique est très autoritaire. Il n’y a guère de liberté d’association ou d’expression et les medias sont sous contrôle du gouvernement. Les partis d’opposition et les ONG sont surveillés étroitement.

La majorité des Ethiopiens vivent sous le seuil de pauvreté. Les conditions de vie sont particulièrement effroyables en milieu rural, où plus de la moitié de la population vit dans une pauvreté oppressante et un tiers est considéré comme dénué et au bord du gouffre. L’espérance de vie est de 52 ans pour les hommes et de 57 ans pour les femmes et en moyenne, il y a un médecin pour 30 000 habitants. 80% de la population vivent de l’agriculture. Ce sont de petits paysans qui cultivent en moyenne un hectare et souvent à peine 0,5 hectare en se servant d’un équipement rudimentaire. La productivité est très basse, car les paysans ne bénéficient d’aucune aide étatique.

L’Ethiopie est d’ailleurs un des plus grands bénéficiaires d’aide de l’Union européenne et la souveraineté alimentaire est loin d’être atteinte, puisque quelque 15 millions d’Ethiopiens ne survivent que grâce à l’aide du Programme Alimentaire Mondial (PAM).

Des investissements étrangers massifs

Dans ce contexte de pauvreté, la multiplication des cas d’accaparement de terres est particulièrement dramatique. Le phénomène a pris une dimension en Ethiopie comme dans aucun autre pays africain, car le gouvernement a attiré ces dernières années des investissements étrangers importants dans le secteur agricole. Entre 1990 et la fin 2008, le total des transferts de terres au capital à la fois national et étranger s’est élevé à près de 3,5 millions d’hectares, soit plus de la surface de la Belgique. Une surface similaire devrait faire l’objet de transferts supplémentaires d’ici 2015. Quelque 8000 demandes pour la location ou la vente de terres ont été approuvées par les autorités compétentes, mais seulement 20% de celles-ci ont été mises en œuvre jusqu’à maintenant.

Plus d’un tiers sont de petites entreprises de 100 ha ou moins, engagées dans la production de café, de fleurs, d’élevage, de produits laitiers, de fruits et de légumes. Mais le holding étranger le plus grand, l’entreprise Karuturi ayant sa base à Bangalore en Inde, a obtenu 300 000 hectares – l’équivalent de la surface du Luxembourg – dans la province de Gambella à l’ouest du pays et 11 000 hectares à Bako Tibee dans la province de l’Oromia. Un autre grand acteur est ‘Saudi Star’, une entreprise à fort intérêt saoudien qui a obtenu un contrat pour 129 000 hectares en sus des 10 000 hectares déjà acquis dans cette même province de Gambella, pour la production de riz destiné à l’exportation vers l’Arabie Saoudite et d’autres pays du Golfe. ‘Saudi Star’ appartient au Saudi-Ethiopien Al-Amoudi, un des cent hommes les plus riches du monde qui a bâti un véritable empire en Ethiopie.

ethiopia-2Les contrats de location de terres portent sur une durée entre 25 et 50 ans. Pour le gouvernement, ces investissements ont l’avantage d’augmenter les exportations agricoles et par conséquent les recettes en dévises. Les grands projets permettraient un transfert de technologies et créeraient des emplois, ainsi que des infrastructures comme des postes de santé, des écoles, ou des puits pour les communautés locales.

Plus de dommage que de bénéfices

Cependant, le chercheur éthiopien Dessalegn Rahmato du Forum sur les études sociales, qui a étudié la question, estime que ces objectifs ne sont guère réalisés. Le gouvernement offre souvent des exemptions d’impôts jusqu’à cinq ans. Les taxes de location sont ‘ridiculement bas’ et se situent entre un minimum de moins de un dollar par hectare/an et un maximum de 10 dollars. Ces loyers de faveur, ajoutés au faible coût de la main d’œuvre et à divers autres avantages accordés par le gouvernement, font de l’Ethiopie l’un des pays où l’investissement dans l’agriculture est le plus rentable.

Aussi Rahmato prétend qu’il n’y a guère eu de transfert de technologies jusqu’à présent. Les projets ont recours à une haute technologie peu transférable ou abordable pour des petits paysans. L’agriculture à large échelle est gérée de manière très différente des exploitations familiales et il n’y  pas de points communs entre les deux. On ne voit pas non plus des gains de devises car les profits peuvent être librement rapatriés. En plus, les faveurs disproportionnées du gouvernement pour le capital étranger sont contre-productives car elles s’opposent à la création d’une classe d’entrepreneurs locale et conduira à une dépendance nationale et économique.

L’auteur de l’étude „Land to Investors – Large-Scale Land Transfers in Ethiopia“ s’est rendu sur place pour examiner les conséquences des opérations, et notamment dans la province de Gambella. Celle-ci est essentiellement habitée par trois communautés indigènes minoritaires : les Annuak (100 000 habitants), les Nuer, (113 000), et les Majangir (60 000).  Il y a pu constater que leurs conditions de vie sont sérieusement affectées par la perte de terres agricoles, de pâturages, de sources d’eau et d’accès au bois de feu et de plantes utiles. Elles rejettent les programmes de relocation (resettlement) qu’avancent les autorités estimant que les services sociaux devraient être créés là où elles ont toujours vécu.

Rahmato tire la conclusion que d’ici 2015, la structure agraire du pays aura changé de manière significative et on assistera à un transfert d’une agriculture à petite échelle vers une agriculture à large échelle dominée par le capital étranger à statut privilégié. Cela posera une menace sérieuse à la durabilité à long terme de l’économie rurale, aux conditions d’existence des paysans et pasteurs et à l’objectif de la sécurité alimentaire. Le nouveau système marginalisera progressivement les petits paysans et créera des classes sociales inégales et antagonistes. Les investisseurs capitalistes, surtout étrangers, sont uniquement motivés par le profit et le besoin de fournir les marchés d’exportation. Le développement de monocultures en sera la conséquence qui ne favorisera pas l’environnement et conduira à l’épuisement des terres devenant inutilisables pour les générations futures. Les administrations nationales et régionales ne sont ni préparées ni équipées pour assurer un contrôle et un suivi des opérations conclues.

ethiopia-1L’Etat a usé de son pouvoir hégémonique sur la terre pour déposséder les petits paysans et leurs communautés sans consultation ou accord. Le plus souvent, les contrats conclus manquent de transparence et ont pour effet de miner la confiance des populations. Ils ne prévoient aucune obligation pour les investisseurs de contribuer à la sécurité alimentaire du pays, ni de fournir les marchés nationaux, même pas en cas de situation d’urgence. Cela étant, il est paradoxal que le gouvernement d’un des pays les plus vulnérables au monde, organise le transfert de larges portions de terres et de ressources en eau pour contribuer à la sécurité alimentaire de pays comme ceux du Golfe et aux profits des investisseurs étrangers sans prendre en compte les besoins en sécurité alimentaire de son propre peuple. En plus, ces opérations créent des menaces environnementales sérieuses y compris pour la vie de la faune comme c’est le cas dans la province de Gambella.

Les conclusions de Rahmato sont largement partagées par d’autres personnes reconnues comme Zegeye Asfaw, ancien Ministre de l’Agriculture. Selon lui, l’argument souvent avancé qu’il s’agit de terres non occupées est contraire à la réalité. La résistance des paysans et des communautés indigènes est parfois sanglante, par exemple 140 personnes ont trouvé la mort lors d’un conflit foncier dans la vallée de l’OMO. Selon Human Rights Watch, 1,5 millions de personnes ont déjà été déplacées dont 70 000 à Gambella. En mars 2012, des ‘éléments hostiles’ y ont tué 19 étudiants en agriculture lors d’une attaque d’un bus. Un mois plus tard, lors d’une autre attaque, un Pakistanais et quatre Ethiopiens sont morts qui travaillaient sur un canal pour l’entreprise ‘Saudi Star’. Dans leur livre ‘Spielball Erde’, Claus Kleiber et Cleo Pascal décrivent d’ailleurs l’opération de Saudi Star’ à Gambella comme ‘une injustice criante’.