La République Démocratique du Congo (RDC) est un pays de l’Afrique Centrale qui est trente fois plus grand que le Benelux. Avec une population d’environ 65 millions d’habitants, la RDC est le quatrième pays le plus peuplé d’Afrique. La plupart de la population vit de l’agriculture vivrière et de l’élevage et 75% des habitants ont à leur disposition moins d’1 dollar par jour. L’indice de développement place la RDC sur le dernier rang de tous les pays.
Les premiers habitants du Royaume Congo étaient les pygmée, une ethnie de chasseurs-cueilleurs qui vit toujours dans les forêts du Bassin du Congo. Après la conférence de Berlin en 1885, Léopold II de Belgique crée l’État Indépendant du Congo et contrôle le pays comme sa propriété personnelle. En 1908, il est forcé de céder le pays à l’administration belge et le Congo devient une colonie. Les chefs traditionnels deviennent des agents de l’Etat, notamment en ce qui concerne la propriété foncière. Par loi coutumière, le chef traditionnel, qui a hérité de sa fonction par son père ou son oncle, est en charge de la terre de sa communauté. L’administration belge crée ainsi un système hybride entre pouvoir «moderne» et pouvoir «traditionnel».
Peu après l’indépendance en 1960, le militaire Mobutu Sese Seko se proclame président de la nation congolaise à l’issue d’un coup d’Etat. Cela aboutit à une dictature de plus de 30 ans ainsi qu’à une nationalisation radicale du pays appelée «Zaïranisation». Mobutu nationalise tous les biens commerciaux et fonciers et depuis, l’Etat gère les terres de la RDC comme un chef traditionnel son patrimoine. Si un paysan n’a pas de titre de propriété sur sa terre, ce qui est presque toujours le cas, seule une ordonnance présidentielle peut décider de l’utilisation de la terre en question.
Cette disposition rend possible une gestion foncière complètement arbitraire et ainsi des vastes surfaces sont aujourd’hui occupées par des multinationales. Cela a des conséquences graves pour les populations locales, touchées par la vente ou la location de leurs terres. Dans la plupart des cas, elles ne sont ni consultées ni informées sur la nature ou la valeur du projet qui est mis en place sur leur territoire. On leur promet des emplois, des écoles, des hôpitaux… mais ces promesses ne sont pas souvent tenues par les investisseurs. Ainsi des terres riches en ressources agricoles, forestières ou minières ont changé de main pour des sacs de sel, des vaches ou des bouteilles de whisky.
En juin 2012, une nouvelle loi agricole a été introduite par le gouvernement, qui, entre autres, essaie de limiter l’accès aux terres agricoles aux étrangers. La loi stipule que chaque personne qui veut acquérir des terres agricoles en RDC, doit «être une personne physique de nationalité congolaise ou une personne morale de droit congolais dont les parts sociales ou les actions, selon le cas, sont majoritairement détenues par l’État congolais et/ou par les nationaux». La plupart des organisations paysannes, ainsi que les membres de la société civile, voient la loi comme une opportunité de remettre les terres entre les mains de la population. D’autres craignent que cette loine soit qu’une répétition « moderne » de la «Zaïranisation». A l’heure actuelle, la loi n’a pas encore été appliquée et des grandes superficies de terre sont toujours occupées par des investisseurs étrangers.
Des investissements importants
Selon l’initiative Landmatrix, neuf contrats ont été signés depuis 2004 entre le gouvernement de la RDC et des investisseurs étrangers pour une superficie totale d’environ 3 millions d’hectares. Il s’agit d’investissements dans les secteurs agricole et forestier, notamment pour l’exportation de bois tropicaux, ainsi que dans le secteur minier.
L’entreprise canadienne Offsetters Climate Solutions Inc (auparavant ERA) a investi dans un projet REDD+ d’une superficie de 299.640 hectares dans la province Bandundu au nord de la RDC. L’entreprise obtient des crédits d’émissions simplement en achetant d’anciennes concessions forestières et en tire des profits pour une durée d’au moins 30 ans. Un tiers des terres louées par Offsetters en RDC fait partie des terres forestières des communautés locales. Les habitants n’ont pas été informés du fait que le gouvernement a loué leurs forêts, qui représentent leur base de vie, à une entreprise canadienne.
En 2007, ZTE Corp, une grande entreprise de télécommunication chinoise, a signé un contrat sur 856 hectares avec le gouvernement congolais pour la plantation de palmiers à huile. L’objectif de ZTE est d’élargir le territoire à une taille de 100.000 hectares dans les années à venir. Les médias ont diffusé des informations sur une transaction foncière de plus de 3 millions d’hectares entre ZTE et la RDC, mais ce chiffre n’a pas pu être confirmé par des sources officielles. Un autre grand contrat a été conclu sur une surface de 107.892 hectares entre la RDC et l’entreprise canadienne Feronia Inc pour trois plantations d’huile de palme. Une extension du contrat est en cours sur une superficie de 100.000 hectares dans la province du Bas-Congo, également avec l’intention de planter des palmiers à huile.
Une autre entreprise active en RDC est le Groupe américain Blattner Elwyn (GBE), qui détient plusieurs filiales congolaises, avec notamment des plantations de palmiers à huile. En février 2012, GBE décide d’agrandir son territoire. La compagnie d’exploitation forestière allemande Danzer cède alors sa filiale SIFORCO à GBE, qui détient des concessions sur 1,9 millions d’hectares de forêt. Danzer, qui était sur place pendant 40 ans, a été accusé de graves violations des droits de l’homme et de destruction massive des forêts tropicales.
Ces exemples démontrent, qu’en dix ans seulement, une superficie importante de terres riches en ressources naturelles est tombée entre les mains des investisseurs étrangers. Cependant, l’introduction de la nouvelle loi agricole laisse espérer que l’accaparement des terres en RDC sera freiné. Tout dépend maintenant des amendements en cours et surtout de l’application de cette loi. En juillet 2013, le leader dans la production d’huile de palme en RDC, Feronia Inc, affirme qu’il est dans le meilleur intérêt de la Société de n’entreprendre aucune action pour le moment. Il reste alors incertain si la grande braderie des terres vient tout juste de commencer en RDC ou si l’Etat a pris conscience de l’importance des terres agricoles pour le bien du peuple congolais.